Au cours des dernières années, l’intelligence artificielle est passée d’une promesse futuriste à un point de référence pour l’innovation. Cette technologie a également commencé à révolutionner les parcours de soin avec une grande vigueur. Alors concrètement, qu’est ce que l’I.A. peut réellement apporter à la médecine, où en est l’innovation à l’heure actuelle et quels sont les plus grands défis que son application pose aux milieux cliniques?
L’intelligence artificielle ne va pas remplacer les professionnels de la médecine ; elle va être le stéthoscope du 21e siècle et une collaboration fructueuse entre l’homme et la technologie pourrait nous apporter le changement positif dans la médecine que nous souhaitons tous si fortement.
La santé numérique nous donnera plus de données sur la santé que jamais auparavant, et l’I.A. nous aidera à les analyser pour trouver de nouvelles façons de traiter les maladies, de réduire les tâches administratives, de rationaliser les pratiques médicales, d’optimiser les horaires des médecins et des patients.
L’intelligence artificielle (IA) dans les soins de santé trouve de nombreuses applications dans les différents domaines et va transformer la façon dont nous diagnostiquons et traitons les maladies.
La juxtaposition du Big Data avec l’IA a conduit au développement d’outils destinés à faire progresser la recherche médicale et à améliorer l’efficacité globale des soins.
Ce guide complet est tout ce que vous devez savoir sur l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, son fonctionnement, ses applications, les tendances futures, et les défis liés à son adoption dans le secteur médical.
Qu’est-ce que l’intelligence artificielle et quel est son impact sur le secteur médical ?
L’intelligence artificielle est l’utilisation d’algorithmes spécifiques pour former les ordinateurs à accomplir des tâches spécifiques en traitant une grande quantité de données et en reconnaissant des scénarios spécifiques.
Ces algorithmes permettent aux machines de tirer des enseignements de leur expérience, de rassembler les données, de les traiter, et d’exécuter des tâches d’une manière presque humaine.
Ils permettent ainsi aux machines d’imiter les fonctions cognitives typiques de l’esprit humain comme la résolution de problèmes, le raisonnement et l’apprentissage.
Applications de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé
L’IA est déjà entrée dans notre vie quotidienne d’une manière telle que nous ne la remarquons même pas.
Des chatbots sur les sites e-commerce aux assistants vocaux sur nos smartphones, les algorithmes font rapidement apprendre aux machines ce que font les humains et leur permettent d’accomplir ces tâches plus efficacement et plus rapidement.
Dans le secteur de la santé également, les outils d’IA ont trouvé de nombreuses applications :
1. Médecine préventive
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »
L’IA, avec l’utilisation d’appareils médicaux connectés (IoT), joue un grand rôle pour garantir que les gens restent en bonne santé.
Pour les patients : L’IA aide déjà les patients à être plus autonome dans leur parcours de soins et à améliorer leur qualité de vie au quotidien.
Un nombre croissant de personnes choisissent d’adopter des objets connectés pour suivre leurs statistiques de santé au quotidien.
La collecte et l’analyse de ces données de santé peuvent offrir une perspective unique sur la santé des individus et de la population en général, permettant ainsi de se diriger vers une médecine plus préventive.
Pour les médecins : La technologie de l’IA donne aux professionnels de la santé un aperçu des habitudes et des besoins quotidiens de leurs patients. Cela leur permet de les guider, les informer et les soutenir au mieux.
La vaste quantité de données générées et collectées ne peuvent être traitées par l’humain uniquement.
L’utilisation d’algorithmes d’IA permet d’économiser beaucoup de temps et d’efforts humains, et donc de rendre les processus plus efficaces. Les soignants peuvent se concentrer uniquement sur des tâches à forte valeur ajoutée.
Pour les chercheurs : La collecte de données de santé provenant de sources multiples permet de faire avancée la recherche médicale. Les données provenant de diverses sources sont mises en commun et agrégées afin d’accéder à des statistiques de santé en temps réel.
2. Détection précoce des maladies
La prolifération des objets connectés combinée à la puissance de calcul de l’IA a permis aux professionnels de santé de mieux surveiller le patient et de détecter les risques potentiellement mortels à un stade plus précoce et plus facile à traiter.
Voici quelques exemples d’applications de ces données qui sont actuellement utilisées dans le domaine la santé.
Détection des affections cardiaques : Les appareils connectés peuvent être utilisés pour suivre le rythme cardiaque et surveiller l’électrocardiogramme du patient. Cela permet de détecter et de diagnostiquer plus tôt les affections cardiaques sous-jacentes.
C’est le cas du projet européen MAESTRIA dont l’objectif est de prévenir les affections du rythme cardiaque et les risques d’AVC, en intègrant l’intelligence artificielle. Le masse de données issues des différentes sources médicales pourra ainsi être analysée afin de proposer des thérapies personnalisées à chaque patient.
Détection du cancer du sein : L’IA est actuellement utilisée pour analyser les mammographies. Il a été découvert que le taux d’analyse est 30 fois plus rapide que celui d’un humain et a une précision de 99 %. Elle est capable de détecter des métastases extrêmement petites que les humains risquent de rater.
Cela réduit non seulement les risques d’erreur de diagnostic, mais aussi la nécessité de procéder à des biopsies invasives pour établir le diagnostic. C’est le cas de la société Mammoscreen, qui utilise l’IA pour le l’interprétation de mammographies de dépistage.
Tendances des maladies : Les patients s’appuient de plus en plus sur des moteurs de recherche comme Google pour vérifier leurs symptômes en ligne avant de se rendre chez le médecin. L’utilisation de l’IA pour surveiller cette tendance et en tirer des conclusions peut conduire à une intervention précoce en cas d’éventuelle apparition d’épidémie dans la population.
Google avait déjà essayé de le faire en 2008 avec les tendances de la grippe avec son outil Google Flu Trends, mais il a échoué en raison du manque de données rationalisées et de nombreuses incohérences.
Avec les progrès de l’informatique, cela peut désormais devenir un atout important pour la détection précoce des maladies infectieuses et la prévention de leurs épidémies. Dès fin décembre 2019, la société canadienne BlueDot avait ainsi alerté sur l’épidémie de coronavirus, avant même la première alerte de l’Organisation mondiale de la santé, grâce à sa technologie d’IA.
Transformer les dossiers médicaux électroniques en prédicteurs de risques : Les dossiers médicaux des patients sont une mine d’or de données, mais les trier et obtenir des résultats utiles est une tâche qui ferait perdre beaucoup de temps et d’efforts à l’homme. C’est là que la puissance de calcul de l’IA entre en jeu.
3. Un diagnostic efficace
L’intelligence artificielle utilise à la fois des données structurées et non structurées pour obtenir ses résultats. Les données structurées comprennent des études génomiques, des images (radio-diagnostiques et pathologiques), des lectures et des enregistrements de dispositifs médicaux, etc.
Ces données sont ensuite regroupées afin d’en déduire un diagnostic et l’évolution possible de la maladie.
Les données non structurées peuvent se présenter sous la forme de notes du médecin, de dossiers médicaux, de rapports de laboratoire, de résumés de sortie, etc.
L’IA exploite le langage naturel pour extraire les informations pertinentes depuis des sources de données non structurées, afin d’aider à la prise de décision, d’alerter sur les modalités de traitement, de surveiller les effets indésirables, etc.
L’utilisation de l’IA peut ainsi aider à établir le diagnostic de manière plus efficace en utilisant à la fois des données structurées et non structurées à un rythme beaucoup plus rapide.
Le principal avantage de l’IA est que toutes ses décisions sont uniquement fondées sur des preuves et exemptes de biais cognitifs, contrairement à un diagnostic humain.
Examinons les applications de l’IA dans le diagnostic des maladies.
Diagnostic à l’aide de radiographies : L’utilisation de l’IA pour l’analyse des images radiologiques obtenues par les appareils d’IRM, les scanners et radios a non seulement permis d’obtenir un diagnostic comparable à celui d’un radiologue, mais les résultats obtenus ont également été beaucoup plus rapides.
L’utilisation de l’IA dans le diagnostic est censée être un adjuvant pour le radiologue, qui peut utiliser l’IA pour les cas de routine et utiliser ses ressources pour les cas plus compliqués.
À titre d’exemple, la start-up Incepto utilise l’intelligence artificielle dans l’imagerie médicale, avec pour objectif de dépister rapidement le cancer, ou les maladies cardio-vasculaire et neuro-dégénératives
Elle permet aux médecins de faire face à l’accroissement exponentiel des données santé à analyser.
Utilisation de l’IA en oncologie : L’IA peut efficacement prédire le comportement d’une tumeur en combinant l’analyse des données cliniques, microscopiques et moléculaires.
Cela permettrait aux médecins de mieux comprendre le comportement des tumeurs dans leur ensemble, de mieux définir leur agressivité, et ainsi de sélectionner le traitement qui donnerait les meilleurs résultats
4. Prise de décision médicale
L’utilisation d’algorithmes d’IA pour soutenir la prise de décision médicale, la gestion du flux de travail et le diagnostic précoce est pertinente car la technologie ne souffre pas de déficits humains tels que la fatigue, son utilisation se traduirait par des soins plus efficaces pour les patients et un gain de temps pour les professionnels de santé
Gestion du flux de travail administratif : L’utilisation de l’IA pour l’automatisation du flux de travail administratif via le développement de logiciels personnalisés permet aux médecins de gagner du temps sur les tâches de routine et d’établir des priorités sur les questions urgentes.
La gestion des tâches de routine, comme la saisie des notes médicales dans les dossiers des patients, peut être effectuée à l’aide de logiciels de transcription audio en texte, ce qui permet de gagner un temps précieux.
L’utilisation de chatbots couplé à L’IA peut également faire regagner du temps précieux aux soignants. Le chabot est capable de communiquer avec les patients, afin de les suivre à domicile et de déclencher une alerte en cas de réponse anormale. Le soignant peut alors prendre le relais, et consacrer son temps les patients pour les patients qui le nécessitent réellement.
Analyse prédictive : Les données des patients collectées sur les dossiers médicaux et celles obtenues à partir des objets connectés donnent au médecin l’accès à des informations précieuses sur le patient ainsi que sur la cohorte de population à laquelle le patient appartient.
Le calcul de ces données à l’aide d’algorithmes d’IA permet de développer le profil du patient et de construire des modèles prédictifs pour anticiper, diagnostiquer et traiter efficacement les maladies.
Pronostic: L’utilisation massive de données par l’IA permet d’améliorer le pronostic des patients en adaptant le traitement aux caractéristiques de la maladie et aux spécificités de chaque personne. Cette médecine de précision grâce à IA offre aujourd’hui la possibilité de prescrire les meilleures options thérapeutiques en fonction de profil bien particulier pour maximiser les chances de succès du traitement.
5. Traitement
L’IA peut aider les médecins à adopter une approche plus globale de la gestion de la maladie, à mieux coordonner les parcours de soins et, en fin de compte, à aider les patients à mieux respecter leur traitement à long terme.
La technologie joue également un rôle essentiel dans l’administration de soins par la télémédecine et la surveillance des patients à distance.
Voici quelques-unes de ses applications.
Transcriptions audio en texte : Les professionnels de santé consacrent beaucoup de temps à la saisie de notes médicales dans les dossiers médicaux des patients.
La transcription voix-texte de ces notes à l’aide de l’IA augmenterait le temps consacré aux soins des patients.
Médecine de précision : Le fait de mettre à la disposition des médecins les données pertinentes sur les patients est un pas de plus pour le développement de la médecine de précision.
Elle permet aux médecins de prendre des décisions médicales adaptées à chaque patient et de créer des plans de traitement spécifiques à chacun.
L’IA a la capacité d’analyser une grande sélection de données d’un patient (symptômes, habitudes de vie, traitements etc) pour ainsi proposer un diagnostic très précis et fiable. Dans ce cadre, un des défis majeurs est de garantir l’interopérabilité des différentes sources de données (fichiers médicaux, objets connectés, applications etc) afin d’offrir des analyses complètes.
6. Recherche
Pharmacogénomique : Les interactions et l’efficacité des médicaments varient d’une personne à l’autre et sont influencées par les variations génétiques. La pharmacogénomique vise à comprendre l’effet de ces variations sur les réponses individuelles aux médicaments. L’utilisation de l’IA pour passer au crible la grande quantité de données produites par les études génomiques peut aider à donner des indications utiles sur les mécanismes d’administration des médicaments.
En pharmacovigilance, la start-up bordelaise Synapse Medicine met à disposition sa technologie « Medication Shield », basée sur l’intelligence artificielle (IA) afin de faciliter la gestion des déclarations des effets indésirables lors de la campagne de vaccination Covid-19″
Découverte de médicaments et analyse des combinaisons de médicaments : La recherche sur les médicaments prend de nombreuses années et coûte très cher avant que les essais cliniques et la commercialisation du médicament puissent avoir lieu. L’utilisation de l’IA pour rationaliser les processus de découverte et de réorientation des médicaments a le potentiel de stimuler considérablement le développement de nouveaux médicaments, de réduire le temps de mise sur le marché et de réduire également leurs coûts.
À titre d’exemple, BioSymetrics’, grâce à sa technologie d’IA s’attaque à la découverte de médicaments, de l’analyse clinique à l’expérimentation. L’intégration de millions de données et d’une technologie d’intelligence permet artificielle de générer des pistes plus efficaces à grande échelle.
7. Robotique et chatbots
Chirurgie assistée par robot : Les robots chirurgicaux utilisent l’IA pour utiliser les informations des opérations précédentes afin d’améliorer les techniques chirurgicales. Les données des dossiers préopératoires sont intégrées aux mesures opérationnelles pour améliorer les résultats de l’opération. Ces opérations sont peu invasives et la précision de l’instrument assisté par robot permet de réduire le degré du traumatisme post-op.
Chirurgies robotisées autonomes : Bien qu’elles soient actuellement limitées à la science-fiction, les opérations robotisées peuvent devenir une réalité à l’avenir. L’utilisation du machine learning pour combiner la reconnaissance des formes motrices et l’interprétation visuelle des données peut permettre d’étendre la dextérité du chirurgien aux robots et de faire de la chirurgie robotique autonome une réalité. La chirurgie robotisée se limite actuellement à la commande à distance des robots par le chirurgien via un ordinateur, mais cela pourrait se transformer dans le futur.
Robots auxiliaires : Ce sont des robots qui trouvent une application dans divers domaines, notamment les soins aux patients, les soins infirmiers, et les soins aux personnes âgées et aux patients affaiblis.
Chatbots : Les chatbots sont des algorithmes alimentés par l’IA capables d’effectuer des conversations avec les patients. Ils ont le potentiel de devenir le premier point de contact pour les soins de santé primaires. La gravité de la requête est déterminée et les chatbots peuvent soit résoudre le problème, soit le transmettre au médecin. L’utilisation généralisée des chatbots réduit considérablement la charge de travail du médecin et évite d’avoir à se rendre inutilement chez les professionnels de santé. C’est le cas de l’entreprise Calmedica qui utilise l’intelligence artificielle pour dialoguer par SMS avec les patients avant et après une consultation et améliorer leur suivi.
Les défis de l’adoption de l’IA
L’adoption de l’IA dans le domaine des soins de santé ouvre un certain nombre de possibilités, mais elle s’accompagne également d’une série de défis.
1. Le phénomène appelé “boite noire”
Dans certains cas, des systèmes d’IA proposent des solutions qu’il est impossible d’expliquer. Ce phénomène s’explique par la complexité de ces algorithmes qui effectuent un nombre très important de micro-raisonnements qui, mis bout à bout, permettent à la machine d’émettre son diagnostic. Cependant, ces derniers sont si nombreux qu’il est impossible pour un humain de les comprendre, d’où la boîte noire.
Or, pour être acceptables, les décisions de l’algorithme doivent pouvoir être comprises, donc expliquées. Mais dans le cas de la boîte noire, le nombre de micro-raisonnements effectués par la machine est tel qu’il n’est pas possible de les comprendre.
Comment, dès lors, endosser la responsabilité de la décision médicale ?
3. Complexité des parties prenantes
Tous les acteurs du secteur de la santé, y compris les patients, les professionnels de la santé, les laboratoires pharmaceutiques, les hôpitaux, les compagnies d’assurance, sont parties prenantes dans l’adoption de l’IA.
La résistance de la technologie à tout niveau entraînerait des problèmes d’intégration de la technologie dans son ensemble. Comme pour toute nouvelle technologie, il y a une hésitation initiale à l’adopter sur le marché, les établissements de santé et les utilisateurs étant préoccupés par son application et sa sécurité.
4. Conformité aux règlements
Selon le rapport « Donner un sens à l’intelligence artificielle » du Député Cédric Villani publié en mars 2018, l’intelligence artificielle « ouvre de nouvelles opportunités pour innover “à pharmacopée constante” en construisant un diagnostic et une stratégie thérapeutique plus adaptée au besoin du patient, son environnement et son mode de vie ». Porteuse d’espoirs, l’intelligence artificielle génère également plusieurs défis juridiques.
L’IA ne peut se développer qu’avec des volumes très importants de donnée. En France, la collecte et l’usage de données de santé sont soumis à un certain nombre de lois telles que le RGPD et l’incorporation de l’IA est soumise à l’approbation d’organisations pour assurer le maintien des normes. L’enjeux pour les institutions politiques et juridiques sera de permettre le développement de l’interopérabilité des systèmes d’information dans un cadre législatif protecteur et de trouver le juste équilibre entre usage, accès et sécurité des données de santé
La question n’est pas de produire davantage de données mais, surtout, de mutualiser celles qui existent déjà, et d’en faciliter l’accès dans un cadre un cadre éthique et protecteur.
A la suite du rapport Villani, le président de la République a annoncé la création du « Health Data Hub », une plateforme d’exploitation des données de santé, afin de répondre à la volonté de mutualisation des données, dans un cadre national sécurisé, sous l’égide des pouvoirs publics.
Il apparaît manifeste que les autorités européennes et nationales semblent vouloir offrir un cadre favorisant le développement de nouvelles technologies médicales.