Dans la santé, l’intelligence artificielle au service de l’humain

Comme toute technologie nouvelle, l’intelligence artificielle comporte son lot de fantasmes et de craintes.  Elle menacerait plus de 40% des emplois existants selon une étude d’Oxford en 2013. Elle serait un facteur d’aggravation des inégalités. Et à terme, elle mènerait à une guerre des intelligences entre les Etats. Essayons de changer le regard sur l’intelligence artificielle. C’est une chance historique en particulier dans le domaine de la santé. Loin d’être une technologie déshumanisante,  c’est au contraire un allié tant pour les soignants que pour les patients. Plus qu’une intelligence artificielle, c’est une intelligence augmentée qui peut remettre l’humain au coeur du soin et du système de santé.

Au lieu de dévaloriser les professions médicales, l’intelligence artificielle va au contraire les délivrer des tâches répétitives. Les soignants pourront dès lors se concentrer sur l’observance, le suivi et la qualité du dialogue avec le patient. L’intelligence artificielle permettra aux médecins de se consacrer aux cas les plus difficiles et les plus complexes. Des algorithmes comme celui de DreamUp Vision sont d’ores et déjà capables de prétraiter des données d’imagerie médicale pour fournir une première interprétation. Le radiologue intervient dans un second temps pour valider ou compléter l’analyse. L’intelligence artificielle apporte plus de confiance et d’assurance dans l’exercice intellectuel de la médecine, mais l’expertise humaine reste essentielle en ce qui concerne la relation soignant-soigné indispensable à la prise en charge diagnostique et thérapeutique du patient. Rassurons-nous, le jour n’est pas venu où l’intelligence artificielle aura une intelligence des situations et de l’intuition. 

Quant au patient, il bénéficiera d’une médecine plus personnalisée et plus précise. L’intelligence artificielle est un changement de paradigme. La démarche médicale traditionnelle tente de rapprocher le patient de cas cliniques connus. En revanche, l’intelligence artificielle part du patient dans sa globalité et prend en considération plus de paramètres, elle tient donc davantage compte de la singularité de chaque cas. Le supercalculateur Watson d’IBM propose par exemple un traitement fondé sur les dernières études cliniques et sur les caractéristiques entre autres génomiques du patient. La qualité du diagnostic dépendra moins de la qualité du médecin et des biais proprement humains. Dans le cas du dépistage du cancer du sein, l’algorithme de Therapixel réduit de 5% les erreurs de diagnostic.

Loin d’aggraver les inégalités, l’intelligence artificielle est un facteur d’amélioration de l’égalité devant les soins et même de l’accès aux soins.

C’est une piste prometteuse pour contrer le problème de la désertification médicale qui ne cesse de s’amplifier et le manque patent de médecins spécialistes dans certains territoires. En effet, en facilitant certaines tâches, elle permet aux spécialistes d’être plus efficients et donc de soigner plus de patients. Ensuite, elle peut même permettre aux médecins généralistes d’établir des diagnostics qui étaient jusqu’alors réservés aux médecins spécialistes. Par exemple, à partir de l’électrocardiogramme, le logiciel de Cardiologs aide le généraliste à faire le diagnostic le plus précis possible. A l’avenir, ces gains d’efficience rendront les professionnels de santé plus accessibles pour tous.

L’intelligence artificielle a aussi le pouvoir de rendre l’hôpital plus efficient et plus ouvert, notamment en facilitant le développement de l’ambulatoire. Une étude d’Accenture de 2017 a estimé que l’utilisation de l’intelligence artificielle générera 150 Mds de dollars d’économies pour le système de santé américain. Les trois applications les plus prometteuses sont les robots chirurgicaux, le suivi des patients et la gestion des processus administratifs. Les chatbots de Calmedica ont par exemple déjà suivi plus de 1,5 millions de patients, dont 90% sans intervention humaine. Cela a permis des gains de temps pour les soignants, afin qu’ils puissent se concentrer sur le coeur de leur métier : le soin.

On est à l’aube d’importants gains d’efficience dans la santé. Paradoxalement, l’intelligence artificielle permettra aux médecins de se concentrer plus sur le patient et moins sur la maladie. Face au vieillissement de la population et à l’explosion des maladies chroniques, elle peut nous permettre de relever concomitamment deux défis : celui de la qualité des soins et celui de la soutenabilité des dépenses de santé.

Alexis Hernot (cofondateur de Calmedica)